jeudi 15 mai 2008

Lévi Strauss au Brésil

Il a souvent raconté que tout avait commencé un dimanche de l'automne de 1934, à 9 heures du matin, lorsque le directeur de l'École normale supérieure lui a téléphoné pour lui proposer un poste de sociologie à l'université de São Paulo. Ancien élève de Jeanson-de-Sailly, licencié en droit et agrégé de philosophie en 1931, il enseignait alors dans un lycée de Laon après un bref passage à Mont-de-Marsan. Ce jeune homme sceptique que passionnaient à la fois la géologie, la musique, la littérature, la peinture, l'astrologie, les arts exotiques et l'œuvre de Marx a compris qu'il ne pouvait pas refuser. Ainsi a-t-il traversé l'Atlantique en 1935 pour découvrir le Brésil. « Ce fut l'expérience la plus importante de ma vie. » On mesure mal aujourd'hui ce qu'était alors l'influence intellectuelle de la France en Amérique latine. À l'université de São Paulo, où il avait retrouvé l'historien Fernand Braudel, le géographe Pierre Monbeig et le sociologue Roger Bastide, Claude Lévi-Strauss donnait ses cours en français à des étudiants issus de l'oligarchie locale. Et, comme les voyageurs normands du XVIe siècle, dont les récits captivèrent Montaigne, il ne tarda pas à se « brésilianniser » , soumettant à un examen critique la culture européenne dont il était le représentant.
C'est ainsi que s'est ouverte une ère de démontages structuralistes et d'interprétations pluridisciplinaires dont la répétition mécanique par des disciples maladroits a été une trahison de la démarche de Claude Lévi-Strauss : « Ce que j'aime, ce sont les phénomènes trop négligeables pour exciter les passions humaines, mais qui peuvent quelquefois faire l'objet d'une connaissance rigoureuse. » Rien de moins nihiliste que cette science du divers et de la finitude que ce jeune professeur a eu l'occasion de mettre en œuvre lors de voyages ethnographiques auprès des tribus indiennes du Mato Grosso puis de l'Amazonie entre 1935 et 1939.
Mythes, mœurs, arts, langages, règles de parenté, religion, institutions : tout était fascinant chez les Indiens Caduveos, Bororos, Nambikwaras et Tupi-Kawahibs auprès desquels il apprit à comprendre en profondeur la « pensée sauvage » en envisageant sa structure interne. « Avec l'Amérique indienne, je chéris le reflet, fugitif même là-bas, d'une ère où l'espèce était à la mesure de son univers et où persistait un rapport adéquat entre l'exercice de la liberté et ses signes. » Mobilisé au début de l'année 1939, Claude Lévi-Strauss a retrouvé la France, étreint par mille saudades do Brasil, un pays qu'il ne revit qu'en 1985, à l'occasion d'un voyage officiel de François Mitterrand.
Au lendemain de l'armistice, il n'a pas retrouvé de place dans l'enseignement, frappé par les premières législations antisémites de Vichy. Devenu un « gibier de camp de concentration », il a eu la chance de pouvoir gagner New York, où il a vécu entre 1941 et 1944, au milieu d'autres intellectuels et d'artistes exilés tels que Jacques Maritain et André Breton. Ainsi s'est ouverte l'autre période fondatrice de sa vie, à la New School for Social Research et à l'École libre des hautes études.

Pour lire le reportage complète regardez: http://www.lefigaro.fr/livres/2008/05/15/03005-20080515ARTFIG00469-un-autre-regard-sur-claude-levi-strauss.php

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